Vers la fin des années soixante la brillante
administration soviétique décida de commencer à profiter à son tour de la manne
du tourisme international. Tallinn aux portes du monde dépravé et riche était
un bon endroit pour bâtir un hôtel afin de récolter la manne capitaliste. Même si les meilleurs architectes et ingénieurs
étaient dans le bloc soviétique, on confia aux Finlandais la tâche de bâtir
l’hôtel Viru.
En trois ans sans aucun accident, ne croyez rien du
feu qui arriva au début de la construction en 69, tout était parfait et les
accidents n’arrivaient jamais. La construction était 50% en béton et 50% en
micro (selon les mauvaises langues contre révolutionnaire). Le 23e
étage n’existait pas et encore moins le contenu d’une chambre où était inscrit
sur la porte: siin el ole midagi.
Cet hôtel était un état dans l’état, tous les services
requis étaient fournis. Cordonnier, dentiste et même le meilleur chef du bloc soviétique
y travaillaient. Les gâteaux produits étaient si bons qu’ils servaient même de
monnaie locale.
Travailler dans cet établissement était un privilège.
Seul les plus compétents n’ayant aucune parenté hors du pays et ne parlant
aucune langue étrangère pouvaient y travailler. Après cette série de test,
l’approbation du KGB était requise. Ils étaient plus de 1 000 employés pour
moins de 900 clients. Pas de chômage dans le paradis soviétique et le salaire
minimum était respecté. La valeur d’un demi œuf par journée de travail.
Avec une telle sélection l’honnêteté des femmes de
chambres était proverbiale. Dans les chambres trainaient parfois de petites
sacoches, les ouvrir activait une explosion insuffisante pour tuer mais qui
alertait ceux qui n’étaient pas dans la chambre vide du 23e.
Boire un café était un privilège accordé par son
supérieur aux meilleurs camarades, avec permission on montait au 22e
où se trouvait la seule machine. Tout était comptabilisé et faisait partie des
statistiques requises en haut lieu.
Une soixantaine de femmes travaillaient fort à
enregistrer le moindre déplacement de chacun. Le gérant était super occupé. Il
devait autoriser personnellement chaque photocopie demandée avant de consulter
le bureau vide du 23e pour approbation. En tout temps il était en
communication directe avec le chef du parti local via un téléphone rouge. Son
autre téléphone pesait une brique, l’intérieur en plomb ne permetait pas la
pose de micro.
C’est encore une propagande antirévolutionnaire qui
mentionne que les 400 chambres étaient sous écoute. Il n’y en avait que 60, réservées
aux VIP tels les expatriés, les journalistes, les occidentaux et les
politiciens. Dans ces chambres le service était cinq étoiles, si quelqu’un se
plaignait de l’absence de papier sanitaire, dans la minute on cognait à la
porte avec ce qu’Il manquait. (Sans aucun appel à la réception). Si un touriste
avait déchiffré le journal annonçant la mort de Brejnev en 1982, il n’aurait
pas eu de mal à lire le journal de 1984 annonçant la mort de son successeur.
Seul la photo différait, obtenir les autorisations requises pour un nouveau
texte étaient trop lourdes.
Si un touriste avait le plaisir de partager les
charmes d’une belle estonienne, il était filmé et avait ensuite le privilège de
collaborer avec les autorités.
Dans le restaurant une table VIP avait une belle
assiette de pain avec micro intégré, les pôles de rideaux transmettaient le
contenu des conversations dans la pièce vide du 23e. Au bar ce sont
les cendriers qui faisaient office d’émetteurs.
Mais venons-en à cette chambre vide du 23e.
Une dizaine d’agents du KGB y travaillaient à suivre non seulement tout ce qui
se passait dans l’hôtel mais aussi tout ce qui se passait en Estonie. C’était
également un centre de contre-espionnage international. Les appareils de
communications de l’époque sont encore en place, tel que laissé en 1991. N’en croyez rien elle était VIDE. Payer 12 Euros pour
ne rien visiter, c’est ça le capitalisme.
En après-midi on visite le musée de l’occupation qui retrace
les grandes lignes de l’Estonie de 1939 à 1991. C’est d’abord la première
occupation soviétique qui commence en août 41. Les Allemands les chassent en
43, si vous n’étiez pas roms, juifs ou communistes, la période allemande
n’était pas si tant pire.
L’armée rouge revint et c’est la terreur stalinienne.
Sous Khrouchtchev les choses ‘améliorent un peu, l’hyper centralisation de
l’économie étant diminuée. Mais l’insurrection de Budapest en 1956 mets fin aux
espoirs des Estoniens. De 68 à 87 ce fut la stagnation complète, plus
nécessaire d’aller en Sibérie pour crever de faim.
Puis tranquillement les choses changèrent, le mur
tomba et c’est en chantant et en faisant une chaine humaine Tallin à Villemus
que les états Baltes retrouvèrent leur indépendance en 1991.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire